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28 janvier 2015

GUERRE 14-18 - Occupation de l'Avesnois (1)

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AVESNES- Von Mehring, Gouverneur Boche D'Avesnes

Après la bataille des frontières en Août 1914 et l'invasion de l'Avesnois qui suivit (voir article précédent ICI) vint le temps de l'occupation. A Avesnes la ville semble déserte et le bruit du canon s'est éloigné. Le 27 août au matin c'est un spectacle de désolation que découvrent les habitants. Durant une partie de la nuit les soldats allemands ont pillé les caves de certaines habitations et les rues sont jonchées de bouteilles vides. Des portes de magasins ont été forcées, les boulangeries dévalisées. Le maire, le Sous-Préfet et son secrétaire sont partis vers Paris. Ce vide administratif va provoquer la colère du commandement allemand qui exige la formation d'une Commission pour gérer la ville. Cette dernière rédige une invitation au calme pour rassurer la population avec le soutien de Mme Raux, Présidente de la Croix Rouge, qui va valider cette action. Il faut dès maintenant gérer les priorités et la formation d'une équipe de fossoyeurs est créée pour enterrer les morts. La seconde priorité est de nettoyer la ville afin d'éliminer les risques d'épidémie. Enfin il faut mettre fin aux pillages perpétrés tant par l'occupant que par des français qui redoutent la pénurie alimentaire. Alors que jusqu'à présent la ville était rattachée à la division administrative et militaire d'Aulnoye, le 12 octobre 1914 est créée une commandanture à Avesnes sous l'autorité du Major von Mehring qui s'installe à la Sous-Préfecture rue de France.

(Les mots en gras renvoient aux liens et sous/liens des articles connexes déjà édités).

 

AVESNES-Convoi allemand

En ce début d'occupation les menaces et intimidations de l'occupant sur la population sont nombreuses. Durant deux ans, le Commandant Von Mehring dirige Avesnes avec fermeté et extravagance. En effet, cet aristocrate prussien est un original. Il a fait venir de Hambourg un éléphant appelé Jenny à la fois pour travailler dans les forêts avoisinantes mais aussi pour parader (voir photos ci-dessous). Afin de créer une ambiance tropicale, le gouverneur installe dans les dépendances et les serres de la Sous-Préfecture des perroquets, un crocodile, un chameau et des singes !

AVESNES-Guerre 14-18

Les facéties du gouverneur ne s'arrêteront pas là. Il adopte un petit enfant de l'assistance qu'il confie aux bons soins de sa cuisinière. Il promène parfois le bambin déguisé en officier allemand !!!

FELLERIES-L'éléphant Jenny

Jenny au travail dans le Bois de Felleries (Avril 1915)

FELLERIES-Jenny

Au début de l'année 1916, von Mehring, accusé de malversations quitte Avesnes et sera remplacé par Kombst. Ce dernier sera tout aussi ferme et se débarrassera de la ménagerie. Jenny quittera l'Avesnois le 2 avril 1917.

 img025

Von Mehring et son Etat Major avant 1916

Alors que l'État Major allemand est définitivement installé tout comme le conseil municipal chargé de répondre aux exigences de l'occupant et aux besoins de la population. il reste à régler le problème du logement des troupes et de nombreux bâtiments publics vont être réquisitionnés à cet effet, mais pas encore de manière suffisante. C'est pourquoi de nombreux logements privés seront également investis pour accueillir les 1000 soldats allemands de septembre et les 1400 hommes et officiers d'octobre. Les réquisitions de logements se poursuivront durant toute l'occupation. Mais il faut aussi prévoir des lieux de distraction pour les militaires. Des casinos se multiplient à l'intérieur des plus belles demeures d'Avesnes, le Café de France devient un café allemand (voir photo ci-dessus). Sur la Grand'Place une maison est choisie pour devenir un casino pour officiers, tandis que dans l'avenue du Pont Rouge on installe un foyer de soldats : "Soldatenheim".

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L'intérieur de la Soldatenheim

img019

Le café de France devenu le café allemand

Des concerts hebdomadaires sont organisés à la Rotonde, sur la Grand'Place ou à la Collégiale. Les Avesnois boudent ces moments récréatifs sauf peut-être à Noël ou à Pâques où ils sont un peu plus nombreux. Dans tous les cas, les membres du conseil municipal se doivent d'être présents car le gouverneur considère que ces concerts sont des gestes d'apaisement et de sympathie à l'égard des habitants.

img020

 Concert sur la Grand'Place

Avesnes doit désormais vivre à l'heure allemande, c'est à dire avec une heure d'avance sur celle de Paris. Cette heure allemande doit être respectée partout, même dans les maisons privées. Les contrevenants pouvant être sévèrement punis. On observe également qu'à la Kommandantur tout est rédigé en allemand : Ordres, réquisitions ... et cela n'est pas sans poser des difficultés. C'est pourquoi von Mehring fait mettre en place des cours d'allemand. A cet effet il désigne une trentaine de notables et personnalités ainsi que des membres du conseil municipal. En matière de circulation, les rues d'Avesnes changent de nom. Doucement mais inexorablement Avesnes devient une ville close. Il est interdit de célébrer le 14 juillet, de chanter "la Marseillaise" ou encore de hisser le drapeau français. Par contre des drapeaux allemands sont placés sur tous les édifices publics.

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Les offices religieux allemands catholiques et protestants se déroulent à la Collégiale Saint Nicolas. Au moment de Noël, l'occupant décore des sapins avec des lanternes, boules et étoiles. Cette coutume allemande restera ...Tous ces soldats, loin de chez eux donnent des nouvelles à leurs familles et parlent de l'Avesnois, de ses paysages mais aussi du fromage de Maroilles qu'ils ne semblent guère apprécier. Le vin français reste la boisson la plus appréciée et les milliers de bouteilles réquisitionnées révèlent que les Avesnois étaient de fins connaisseurs et possédaient d'abondantes réserves. Des cartes postales allemandes sont éditées et peuvent être achetées à la librairie allemande. Aux côtés des militaires, des civils allemands arrivent pour gérer les établissements réservés au allemands. Ce sont des religieuses chargées de soigner les blessés allemands du Lazaret de la rue Cambrésienne.

Avesnes (Nordfrankreich) - Feldpost Und Polizeiamt

Exemple de carte postale allemande

Doucement la vie reprend mais la population déplore le manque de médecins, pharmaciens et sages-femmes. Au début de l'année 1915 Avesnes ne compte plus que 3653 habitants au lieu de 5829 avant guerre. La nourriture et surtout le pain pose problème car la farine de froment est réquisitionnée par l'occupant et il est interdit aux boulangers de faire du pain avec de la farine blanche. L'arrivée de la farine de seigle ne satisfait personne. Des cartes de rationnement sont délivrées par la mairie. En 1916 le pain de pommes de terre fait son apparition. Ordre est donné de cultiver tous les jardins disponibles. Une autre difficulté apparaît car Avesnes doit accueillir des blessés allemands et français en grand nombre. Le 17 janvier arrivent 582 blessés français répartis eux aussi dans différents locaux dont certains doivent être agrandis. 300 blessés allemands ne trouvent pas place dans l'école primaire supérieure des filles de la rue Cambrésienne qui est le siège de la Croix Rouge, elle devient alors un Lazaret.  L'Hospice lui aussi, devient un hôpital pour blessés militaires et les vieillards sont rendus soit à leurs familles ou placés dans des maisons de civils.

AVESNES-Lazaret

L'intérieur du Lazaret

Avesnes doit aussi faire face à des afflux d'émigrés déplacés des zones de combats par les allemands (240 le 23 janvier 1915, 560 le 26 janvier) ils sont ensuite répartis dans d'autres communes. Un mois plus tard une partie des émigrés sera renvoyée en zone non occupée par la Suisse, ainsi que le 28 février. Le 3 février 1916, 12000 soldats allemands et 4800 chevaux arrivent dans la ville à pied ou en chemin de fer. La cavalerie et l'artillerie cantonnent à Bas-Lieu, Saint Hilaire et Dompierre tandis que l'infanterie reste à Avesnes. Les locaux de l'école des filles et des garçons sont à nouveau sollicités pour accueillir 400 hommes. Pour nourrir ceux-ci le village de Floyon doit fournir 216 vaches (80 iront à l'abattoir et 136 seront expédiées à le Cateau). Heureusement leur passage sera de courte durée puisque dès le 4 février, les troupes commencent leur embarquement en gare d'Avesnes.

 AVESNES-La Gare 14-18

Le chemin de fer jouera un rôle capital lors l'occupation de l'Avesnois

Toutes les communes de l'Avesnois vivent à l'heure allemande, obéissent aux lois de l'occupant et reçoivent quotidiennement des ordres de livraison et de réquisitions. La guerre commence à sembler longue et la paix n'est pas encore proche. Les allemands sont partout :

ANOR

A Anor ...

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... à Avesnelles ...

fourmies Théâtre

... à Fourmies ...

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... à Sains du nord ...

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... à Trélon ...

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... à Wignehies ...

Dans tous les villages on soigne les blessés et on assure l'entretien des chevaux en attendant de repartir au front. Dans de nombreux cimetières les allemands rendent hommage à leurs camarades décédés lors de cérémonies grandioses. Pour les soldats  de toutes nationalités, des monuments aux morts sont érigés dans de nombreuses communes : Avesnes, Sains du Nord, Sémeries, Ramousies, Grand-Fayt, Fort Leveau, Maubeuge-Assevent.

 

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Avesnes sur Helpe - Inauguration du  monument aux morts franco-allemand ci-dessous en gros plan.

AVESNES-Cimetière franco-allemand

Avesnes sur Helpe

SAINS DU NORD-Guerre 14-18 (2)

Sains du Nord

SAINS DU NORD-Cimetière Franco-allemand

Sains du Nord

NDLR : Curieusement, ces deux cimetières ne sont plus présents. Celui d'Avesnes a été déplacé tandis que celui de Sains du Nord aurait bel et bien disparu ???

Doucement mais sûrement, une nouvelle économie dirigée prend place pour des productions qui ne sont pas destinées aux Avesnois. L'économie traditionnelle est complètement bouleversée par les réquisitions, l'exploitation intensive des ressources, les démontages et transformations d'industries et le manque de main d'oeuvre. Dès leur arrivée les allemands avaient fait procéder à un recensement de la population locale et à l'évaluation des surfaces cultivées. Le maire occupe aussi la fonction de chef de de culture et il engage sa responsabilité et peut faire partie des otages officiels en cas de fausses déclarations. A partir de 1915 un fermier par commune est nommé chef de culture, cela soulagera un peu les maires. Le Comité Économique réquisitionne tout ou presque : Meubles, linge, argenterie, matelas, outils, marmites, tonneaux, charbon, bicyclettes, voitures à quatre roues, armes, machines à coudre, pianos, chaises, tables, bassins pour toilette, diverses denrées alimentaires et produits laitiers . En 1916 17775 oeufs doivent être fournis à la Kommandantur. En 1917 c'est 45018 oeufs par semaine ! Le vin très apprécié par les autorités d'occupation fait également l'objet d'une attention toute particulière et de contrôles très sricts. De nombreuses caves de la région sont mises à mal.  Des trains chargés de matières premières partent d'Avesnes pour l'allemagne. La Dolomie devient une véritable gare de marchandises. Von Mehring se montre très satisfait de toutes ces réquisitions et s'exclame «Quel pays riche qu'Avesnes, on y trouve de tout ! »

Felleries Jenny 1915

L'exploitation de la forêt devient un privilège de l'occupant. L'éléphant Jenny (ci-dessus à Felleries) est infatigable. Quand elle n'est pas en forêt pour débarder le bois servant aux tranchées ou à sa transformation en charbon de bois, elle est en gare pour pousser plusieurs wagons à la fois. C'est Walter Matthias, homme de cirque mobilisé dans la kriegsmarine (d'où le beret) qui en est le cornac attitré. Jenny mourra en 1941. Les forêts de Mormal, Felleries, Flaumont, Beugnies, le bois Lévêque sont saccagées. 

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Les allemands s'installent et transforment les sites industriels confisqués. L'usine Deshayes-Courtois, entreprise de voitures hippomobiles et automobiles, devient un garage pour les véhicules allemands. A côté, la filature Sterbecq reçoit la même affectation. La Cidrerie Avesnoise "Beauté-Créquit" est transformée en une fabrique de confiture et de marmelade et la Brasserie Malterie Herbecq en fabrique de limonade. Le matériel des filatures est démonté en partie et les locaux sont affectés à d'autres productions. La Filature "La Fourmisienne" devient un atelier de réparations de petites voitures, la filature "Le Progrès" une boulangerie, la filature "l'Alsacienne" un magasin d'approvisionnement et ensuite un hôpital, la filature Staincq une caserne de chasseurs à cheval. La filature Pécquériaux et Hanet est transformée en hôpital pour femmes atteintes de maladies vénériennes. Le Peignage Vauban devient  un cantonnement pour les prisonniers russes et roumains et un magasin pour l'intendance. A Avesnelles, la filature Cromback est utilisée comme magasin de pommes de terre, de grain et fourrage. 

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Le paiement des contributions, des amendes, de la nourriture des troupes et autres secours raréfie la monnaie d'état. Les communes des zones occupées  émettent des bons communaux remboursables après la guerre. Cette monnaie de nécessité n'est pas vraiment officielle ni légale puisqu'elle n'est pas le fruit d'une décision gouvernementale mais elle est rendue indispensable compte tenu des circonstances. Les allemands l'autorisent, bien qu'ils n'acceptent en paiement que des francs, de l'argent ou même de l'or.C'est ainsi que 50.000 billets de 1 fr, de 2 frs, de 5 frs, de 10 et 20 frs seront émis pour les communes de l'arrondissement. Les soldats allemands, bons clients, ne peuvent payer aux habitants qu'avec des bons communaux. Le change de la monnaie d'état en billets de ville s'effectue à la maison de change de la Kommandantur d'Avesnes.

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La main d'oeuvre est insuffisante et les Allemands recrutent les populations civiles des pays occupés pour les travaux agricoles, dans les usines, dans les forêts... Hommes âgés, femmes, émigrés, adolescents et même enfants doivent travailler et exécuter les ordres de la Kommandantur. Comme les volontaires sont insuffisants, les maires doivent procéder à des recensements de tous les hommes mobilisables de 17 à 55 ans et ceux-ci sont alors astreints au travail obligatoire. La désobéissance est sanctionnée par des amendes et de la prison. Les femmes sont réquisitionnées pour des travaux agricoles, laver le linge des troupes, faire la cuisine et même tricoter des chaussettes pour les soldats !

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L'ordre règne sur l'Avesnois. Tout est contrôlé par l'occupant. Les maires reçoivent les ordres de allemands et doivent les faire accepter à la population. Ils font partie des 3 otages "officiels" qui sont une garantie permanente auprès des autorités allemandes, en dépit de la convention de la Haye de 1907 qui interdit cette pratique. Les Avesnois sont surveillés et contrôlés. La circulation est réglementée, la confiscation de bicyclettes, d'automobiles, de chevaux et d'ânes, ainsi que l'instauration d'un couvre-feu réduisent considérablement les déplacements. Les Avesnois sont privés d'informations et sont sans nouvelles des autres français de la zone libre. Toute correspondance avec les autres régions et pays est interdite. Privés de liberté, d'informations, rationnés, contraints de servir l'occupant, les Avesnois ne perdent pourtant pas confiance en l'avenir.

AVESNES Rotonde

 F I N

NDLR : Pour des raisons de mise en pages du blog, certains textes provenant de l'ouvrage "Avesnes-sur-Helpe et ses environs pendant la 1ère Guerre Mondiale" ont été soit réduits, résumés, voire complétés. Certaines illustrations proviennent de ce livre ou de mes archives personnelles. Comme je l'ai déjà indiqué sur l'article du 17/11/2014 intitulé "L'Avesnois se souvient" on peut se procurer cet ouvrage réalisé collégialement par des membres de la Société Archéologique et Historique de l'Arrondissement d'Avesnes (S.A.H.A.A) en me contactant à la rubrique "contacter l'auteur".

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Commentaires
D
Félicitations pour ce travail de recherche, c'est très instructif et vraiment passionnant merci...........
Répondre
F
super ce blog que je découvre
Répondre
G
>
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  • Au fil du temps, découvrez ma région : L'Avesnois, _____________________________________ Plutôt que de regretter ce qui n'est plus, on doit se réjouir de ce qui a été. Eric-Emmanuel Schmitt
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